AU TOUR DE NOS FERMES

Vendredi 15 mars, Elodie Tillet et Rébecca Laigret ont proposé une restitution de leurs travaux réalisés au cours d’un service civique de six mois dans le Sud-Aveyron. Nombre de sujets – cruciaux pour nos ruralités – ont été mis en débat : coopération agricole, évolutions des pratiques et diversification des productions, transmission des fermes et des savoirs, accueil de nouveaux agriculteurs, agricultrices et paysann.es sur le territoire.

L’événement a attiré environ 150 personnes, de la commune et au-delà, tout au long de l’après-midi et en soirée. Les participant.es ont pu découvrir différentes facettes du monde agricole au travers d’une exposition vivante mêlant des paroles d’agriculteurs et agricultrices et d’habitant.es, des photos, des poèmes et objets anciens. Rébecca et Elodie ont en effet souhaité porter une attention aux mémoires habitantes et paysannes de Saint Izaire et ainsi déployer une approche intergénérationnelle de la vie en ruralité.

Au cours de l’après-midi, deux ateliers ont mobilisé les participant.es pour mettre en débat localement des sujets qui divisent parfois les mondes agricoles puis imaginer ensemble le monde rural de demain. Enfin, elles ont proposé une table ronde sur la construction de la coopération agricole en Sud Aveyron avec Rébecca Ber, éleveuse de porc et maraîchère en apprentissage au CFPPA de La Cazotte ; Fabien Liquière, éleveur de brebis laitières et président de la Cuma de Combret ; Marine Boyer, éleveuse de vaches et élue à Fédération Départementale des Cuma de l’Aveyron ; et Nino Fillos éleveur de brebis laitières sur une ferme Terre de Liens et élu à l’organisation de producteurs Papillon.

Bien entendu, les produits locaux étaient à l’honneur : accueil boisson, apéro ou dîner, l’ensemble des produits venaient de l’Aveyron, avec certains produits ultra-locaux ! Pour les deux volontaires, la convivialité de leur événement, valeur revendiquée et assidûment pratiquée par les Aveyronnais natifs ou adoptés, était évidemment un cheval de Troie pour rassembler des populations diverses qui ont parfois perdu l’habitude de se côtoyer et de s’écouter. C’est dans un esprit de re-découverte et d’échanges que Rébecca et Elodie ont souhaité organiser leur journée, à l’image de leurs six mois ici : sur ce plan au moins, la journée fût une réussite !

Ainsi, l’espace d’une après-midi, un décor champêtre a habillé la salle des fêtes. Dès le seuil de la porte, les yeux et les narines étaient titillés par les touches dorées et sucrées du mimosa ; les très enviées petites bottes de paille ne laissaient pas de doute : nous allions parler agriculture ! A 13h30, les premiers curieux ne tardent pas à se répartir le long des murs et à réagir aux témoignages d’agriculteurs et d’agricultrices collectés sur des panneaux thématiques décorés avec plus ou moins de goût. Le panneau “Les femmes en agriculture”, réunissant quelques témoignages piquants et stratégiquement placé près du comptoir à boisson, a remporté un franc succès ! Le panneau “Coups de gueule”, avec son titre accrocheur, reçoit également une clientèle transportée par les punchlines rapportées de manifestations et au-delà. Au total, c’est une dizaine de panneaux qui jalonnent cette exposition. Tout y passe : la transmission, les changements de pratiques, le rapport et la conception du métier par les intéressé.es, leurs rapports avec les habitants, etc. L’enjeu était notamment de mettre en valeur directement la parole de celles et ceux qui vivent ce quotidien, de donner à voir leur engagement, sur plusieurs plans, et de montrer qu’au-delà des clivages et préjugés qui divisent le monde agricole, il y a la possibilité de coopérer et de faire entendre une voix collective.

Les organisatrices, loin de vouloir uniquement abreuver leurs invité.es de témoignages, ont veillé à ce qu’ils soient mis à contribution pour débattre de questions qui nous concernent toutes et tous ; au soleil tant qu’à faire. Ainsi, alors que la plupart des participants se sont accordés pour rejeter l’affirmation clivante qui leur était proposée “demain, il n’y aura plus personne dans les campagnes”, le débat a fait rage quand il s’est agi de déterminer si être agriculteur ou agricultrice aujourd’hui c’était être libre (mais qu’est-ce que la liberté ?) ; ou encore d’affirmer ou non que “tout ce que veut le consommateur, c’est le produit le moins cher possible”. Les participants ont ensuite quitté la pelouse du stade de foot, pour s’asseoir autour de tables et plancher sur le monde rural de demain autour de 7 thématiques : les cœurs de village, l’habitat en ruralité, la nourriture, l’agriculture, les paysages, l’accueil de nouveaux arrivants et la transmission des fermes. Leurs idées et réflexions, couchées sur le papier, ont rejoint les murs de l’exposition.

Après avoir trouvé du réconfort auprès d’un somptueux buffet de produits locaux, proposés par des paysans et paysannes quasiment toutes et tous présents cet après-midi là, Elodie et Rébecca ont succinctement présenté leur démarche et quelques points saillants de leur recherche. Elles n’ont pas manqué d’appeler les quelques élus et responsables présents au premier rang –  parmi lesquels la sous-préfète, le député et le président de la communauté de communes – à prendre à bras le corps des problématiques pressantes : favoriser le renouvellement des générations agricoles,  donner à nouveau envie aux jeunes de s’installer en leur facilitant la vie et en leur redonnant la liberté à laquelle ils et elles aspirent et enfin, renouer le lien entre mondes agricoles et habitants au lieu de mettre en scène leurs divisions. Lors de la table ronde, les 4 agriculteurs et agricultrices ont pu partager leurs diverses expériences et visions de la coopération, en particulier pour l’affirmation des producteurs et productrices face aux autres maillons de la chaîne agroalimentaire et pour l’achat en commun de matériel agricole. Ils ont aussi communiqué leurs attentes, par exemple sur la facilitation des nouvelles filières sur le territoire ; et leurs préoccupations concernant notamment le revenu agricole et l’accès au foncier. Ils n’ont pas hésité à adresser des messages subliminaux aux élus, qui, nous l’espérons, les auront entendus.

Après quelques discours officiels, nous avons encore partagé l’amour de la bonne chair si caractéristique de l’Aveyron autour d’un repas cuisiné par le collectif des BPREA de l’association du Lieu Dit !

Témoin d’enjeux cruciaux, ce beau moment ne peut rester sans suite ! Vous pouvez désormais visiter l’exposition au château de Saint-Izaire avant qu’elle ne commence un voyage sur divers événements agricoles – n’hésitez pas à la demander ! Par ailleurs, les volontaires sont en train de concocter un carnet d’exposition pour garder une trace écrite et poursuivre la réflexion. Enfin, Elodie, déjà bien enracinée dans le Sud Aveyron, poursuivra ce travail sur place, tandis que Rébecca partira vers de nouveaux horizons, avec un petit coin d’Aveyron et de ses habitants si chaleureux fiché dans le cœur !

Un grand merci aux bénévoles qui ont grandement participé à faire de cette journée un moment chaleureux et convivial, aux agriculteurs et agricultrices qui ont ouvert la porte de leur ferme, aux invités de la table ronde, aux institutions qui ont encadré ce service civique et en particulier à Fanny Romiguier, Alexandra Lasnel et Gérard Ramondenc, ainsi qu’à la Recyclerie qui a prêté du mobilier et aux BPREA du Lieu Dit !